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"LES PODENCOS DE LA DISCORDE"

Merci à Allain Bougrain-Dubourg, la LPO avec Yves Verilhac pour leur soutien, leur sérieux et leur implication dans la défense animale.

Merci à Charlie Hebdo pour la parole offerte à nos podencos.

 

 

Chasse : Les podencos de la discorde

 

Allain Bougrain-Dubourg · Mis en ligne le 20 avril 2021

 

 

D'une insolente beauté, le podenco, est une Formule 1. Redoutable chasseur, il est, à l'instar des autres lévriers, classé dans une catégorie canine qui interdit à l'homme de s'en servir comme auxiliaire de chasse. Inconcevable pour les chasseurs qui ont obtenu la déclassification du podenco et assurent que la chasse avec lui est licite. Quand l'Office national de la chasse et de la faune sauvage dit le contraire... Vous avez dit podenco ou pataquès ?

 

On le dit descendant du Tesem, un canidé sauvage vivant au néolithique, dans la savane nord-africaine. Certains estiment même qu’il incarnait l’une des plus anciennes races canines au monde. Le podenco, aux allures de lévrier, s’apparente au « chien du pharaon » et figure en belle place sur les tombes des rois (il y a quelques 6 000 ans). On le retrouve également sur des pièces vieilles de 3 400 ans avant Jésus Christ. De quelle manière a-t-il pris racine dans la péninsule ibérique, son berceau européen ?

 

Certains pharaons auraient fait le voyage jusqu’à l’île d’Ibiza, flanqués de leurs chiens dont la fonction visait principalement à garder les temples. Une autre version évoque l’intervention des Maures et des Sarrasins.

 

Quoiqu’il en soit, ces chiens d’une insolente beauté se sont diversifiés au gré des territoires et du temps. De sorte que l’on distingue aujourd’hui de nombreuses variétés de podencos.

 

Outre celui d’Ibiza, il y a le « Canario », originaire des îles Canaries, l’« Andalou », le « Portugais », le « Campanero » (massif et robuste), l’« Andaluz maneto » (court sur pattes) et d’autres encore…

 

Avec le podenco, revisiter le passé n’est pas anodin car, aujourd’hui encore, on se déchire sur ses origines et, par conséquent, son usage potentiel.

 

Pour comprendre les raisons de la colère, il faut savoir que la France interdit la chasse avec des lévriers et croisés de lévriers depuis 1844. Motif ? « Ils ont la capacité de capturer directement le gibier par leur seule action et sans la concours du chasseur », nous disent les textes. Cette interdiction s’explique par les dégâts inévitables sur la faune. Les prodigieuses qualités du podenco génèrent ses redoutables défauts. Décrit telle une Formule 1, on imagine ses capacités : « L’œil perçant, la ligne aérodynamique, le réflexe vibrant, la dent qui broie et le muscle d’acier », précise le site « Sanglier-passion ». Chacun lui reconnaît, par ailleurs, un odorat remarquable. « C’est le seul lévrier qui a un flair très développé », résument les éleveurs. Il a une ouïe également particulièrement performante, de même qu’une vue aiguisée. Évidemment il faut ajouter que sa vitesse peut atteindre plus de 60 km/h… Frustrant pour un chasseur de ne pas pouvoir bénéficier d’un tel potentiel…

 

Pataquès autour du podenco

 

Le monde cynégétique n’a pas baissé les armes pour autant. Tout au contraire, il a cherché la parade en se tournant vers la FCI (Fédération Cynologique Internationale) et la SCC (Société Centrale Canine) afin d’organiser un habile tour de passe-passe. Constatant que l’usage des lévriers était interdit pour une activité cynégétique, il suffisait de déclasser le podenco afin qu’il n’appartienne plus au groupe 10 en question. En lui faisant intégrer, à l’initiative des chasseurs espagnols, portugais et italiens, le groupe 5, celui du « type primitif de chasse », il n’y aurait plus à se gêner. Ce fut fait dans les années 80.

 

Comment la SCC qui connaissait parfaitement les conséquences de cette étrange déclassification en a-t-elle accepté le principe ? On sent un malaise évident de la part de Gérard Thonnat, président de la Société Centrale Canine, en août 2020, lorsqu’il répond au président de la Fédération Nationale des Chasseurs : « Si le but est de répondre concrètement à la question « Est-ce que les podencos doivent être considérés comme des lévriers, la FCI répondra clairement NON » ». Plus loin, il ajoute : « L’anatomiste que je suis aurait clairement classé le podenco parmi les lévriers ».

 

Maltraitance des chiens et braconnage des espèces

 

Le docteur vétérinaire Alexandre Balzer, tout juste élu président de la prestigieuse Centrale, veut faire preuve d’ouverture. « On ne peut pas aller contre une décision internationale mais on peut envisager d’intervenir auprès de la FCI pour faire évoluer la situation ». Même bonne volonté de la part de l’Ordre national des vétérinaires. Le vétérinaire Marc Veilly, secrétaire général de l’Ordre, souligne : « L’Ordre s’est toujours élevé contre la maltraitance des animaux. Nous avons une commission sur la protection animale qui pourrait étudier la situation ».

 

La violente prédation sur les lapins, voire les sangliers, n’est pas seule à être mise en cause. Le Cercle des Podencos dénonce, depuis une dizaine d’années, la maltraitance subie par ces chiens de chasse. Katia Evrard, la présidente, sait de quoi elle parle : « J’ai 9 podencos dont 4 récupérés suite à des chasses françaises. Tous ont subi des traumatismes. Une petite femelle a même eu la mâchoire fracturée par du plomb ». Elle affirme sans réserve : « Les chenils sont très souvent de véritables bidonvilles, de nombreuses vidéos en témoignent. Tous les chiens que nous récupérons ne sont ni tatoués, ni équipés de puces. Pas d’identification et donc pas de propriétaire responsable ! »

 

Certains départements comme le Gard, l’Hérault, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées Orientales et l’Ile-de-France sont connus pour chasser à l’aide de podencos. Difficile de dire combien de chiens sont concernés. Le Cercle des Podencos estime qu’il y en aurait au moins 10 000 exploités « illégalement » pour la chasse sur tout le territoire.

 

La situation semble aujourd’hui bloquée. D’un côté, les chasseurs persistent à considérer que la chasse avec les podencos est licite. Le président de la Fédération Nationale des Chasseurs le soulignait au président de l’Office Français pour la Biodiversité par une lettre datée du 4 février 2020 indiquant notamment : « En ce qui me concerne, je vais rassurer les propriétaires et les chasseurs utilisant un chien podenco sur la légalité de leur situation ». De l’autre, dès décembre 2019, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (l’ONCFS) tranchait en soulignant : « Il a été jugé par la Chambre Criminelle de la Cour de cassation que l’interdiction des lévriers à la chasse s’étend nécessairement aux chiens qui sont dérivés des lévriers lorsqu’il est reconnu qu’ils possèdent les mêmes qualités ou des qualités de même nature et peuvent, comme lui, par leur seule action, procurer la capture de gibier (…). Je vous confirme que l’interdiction de l’utilisation de lévriers à la chasse s’applique aux chiens dérivés, variétés ou congénères (…). Tel est le cas du podenco (…). Cela nonobstant, le groupe auquel il est aujourd’hui rattaché dans le classement de la FCI ». On ne peut être plus clair.

 

Balayant l’avis de l’Administration, la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées Orientales déclarait dans sa newsletter datée de février 2020 : « Les chiens identifiés à l’usage de la chasse sont classifiés dans le groupe 10, or la race podenco est classifié dans le groupe 5 soit « type primitif de chasse ». Dès lors il ne peut être en aucun cas reproché au monde cynégétique d’utiliser les chiens de race podenco et l’ensemble des variétés qui accompagnent cette race. En conséquence, la FDC 66 entend que cesse immédiatement toute controverse quant au chien podenco. »

 

Podenco, galgo sont à sauver

 

Cette injonction suffira t-elle à calmer les esprits ? Sûrement pas. L’administration peut difficilement subir le mépris des chasseurs, et les associations de protection des podencos ne veulent pas en rester là. « La pratique actuelle relève du braconnage pur et simple », avertit Katia Evrard.

 

Difficile de conclure sans évoquer le cousin maltraité, le galgo. Bras armé des chasseurs espagnols, il doit se montrer performant faute de quoi, c’est la sanction. Redoutable. Pendaisons, amputations, cibles vivantes, livrés à d’autres chiens, tirés derrière des voitures… Ils seraient 50 000 lévriers espagnols à subir, chaque année, de telles tortures. Le Club de Reconnaissance et d’Entraide aux Lévriers dénonce leur calvaire depuis des années et recueille un maximum de survivants. Mais la situation perdure. Les chasseurs français seraient bien inspirés de ramener à la raison, leurs homologues espagnols.

 

Source : https://charliehebdo.fr/2021/04/ecologie/chasse-les-podencos-de-la-discorde/?fbclid=IwAR1lTxmnzgdl5hT1U__k_VLcUnAnNj9UPg0nKEy34vAFonwytE15j_sBoNo

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